Surréalisme. Il ne s’agit ici pas ici d’une métaphore pour décrire certains aspects de la vie à Tôkyô vue par un étranger ; non cette métaphore est trop évidente et a été faite et refaite, elle n’a en conséquence pas besoin d’être explicitée ici une fois de plus.
Non, il s’agit tout simplement de l’exposition sur le courant Surréaliste qui s’est ouverte il y a deux semaines au 国立新美術館 (National Art Center of Tôkyô) dans le quartier de 六本木 (Roppongi).
Cette exposition organisée en partenariat avec le Centre Georges Pompidou a le très bon goût d’être intégralement en japonais et en français (commentaires des œuvres), ce qui est, il faut l’admettre, particulièrement agréable, surtout au regard du niveau de difficulté du français littéraire utilisé, et du fait qu’il me serait parfaitement improbable d’espérer comprendre un japonais dans le texte de ce niveau.
Au programme, des toiles et objets venus de Paris donc, comme quoi une fois n’est pas coutume, si tu ne vas pas en France, c’est la France qui viendra à toi.
Ce que j’ai trouvé intéressant dans cette exposition, outre le coté artistique, c’est l’autre coté de l’exposition, c’est à dire la réaction à chaud des gens au vue de l’exposition, cette réaction étant d’autant plus intéressante qu’elle concernait un courant initialement plutôt français (en tout cas les œuvres réunies pour l’exposition venaient de France) vu par une culture à l’autre bout du Monde.
Première chose étonnante, nous sommes un mercredi après-midi, mais il y a beaucoup de monde. L’exposition a commencé il y a deux semaines soit, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle est un tel succès un jour de semaine, je ne savais pas les japonais à ce point intéressé par ce courant. Est-ce l’effet France qui attire, plutôt que le Surréalisme ? Sans doute un peu. Après tout, c’est très branché d’aller voir une exposition française à Tôkyô, au moins autant que d’aller voir une exposition japonaise à Paris.
Mais quid des réactions des gens ? Pas facile de répondre … Autant les français aiment étaler leur confiture dans les musées d’art façon « Ah oui, j’adore ! Je trouve ce tableau très [placer ici un adjectif compliqué dont personne ne connait le sens]. Il me fait penser à [placer ici une phrase surréaliste] ». Par exemple « Ah oui, j’adore ! Je trouve ce tableau très abscons. Il me fait penser à un ciel d’été, mais en hiver … », autant les japonais ne sont pas, je ne vous apprends rien, fondamentalement des gens très expressifs en public. Donc pas de franche exclamation, mais plutôt un défilé ordonné et silencieux, devant chacune des œuvres, imperturbable nippon.
L’une des rare phrase que j’aurais réussi à capter aura été un « 箱、可愛い! » (elle est mignonne cette boîte). « Mignonne », ce n’était pas exactement ce à quoi je pensais pour décrire une telle exposition, au regard d’une œuvre de Max Ernst ou de Dali …
Pour moi donc, une visite surréaliste de font en comble …
je trouve cette analyse très « arachnéenne »
🙂
Moi je n’arrive pas à me représenter une vie sociale sans expression de la moindre émotion. En même temps peut-être que débarassées des fioritures de l’affect les relations sont plus « efficaces » ? J’ai entendu parler d’études montrant que l’apprentissage et la cognition se font mieux lorsque tout un faisceau de mécanismes de communication sont mis en oeuvre (rire, grimaces, des mots plus hauts que les autres, une gestuelle, etc. en plus du discours) donc ça m’interpelle comme toi Léo, ces expositions ou spectacles que l’on importe de l’occident car on les apprécie, mais sans peut-être en faire un véritable « bon usage »?!
Hier ou avant-hier j’ai vu un reportage sur les chinois nouveaux riches (milliardaires) qui s’organisent des fêtes entre eux, des spectacles style cabaret; hé bien aux tables du cabaret, devant les frétillants froufrous affriolants*, aucune démonstration de joie, pas un rictus, c’était d’une tristesse incroyable, en contradiction parfaite avec l’idée du cabaret. En occident on aurait dit une assemblée de tristes sires.
Bises à vous deux,
Kevin
*: notez l’allitération, presque un tautogramme
Disons que les japonais ne sont pas expressifs en public, car cela fait partie de la politesse, des célèbres manières japonaises. Après, dans les restaurants et bars le soir, ces japonais très calmes et ordonnés le matin se transforment littéralement en joyeux lurons.
Cela fait partie du processus de lâcher de pression inhérente à la société japonaise. Et il y a des lieux et des moments bien déterminés pour cela.
Les musées font donc partie des lieux dans lesquels il n’est pas bienvenu de manifester à haute voix son ressenti, même si en l’occurrence, il s’agissait d’une exposition forte étonnante, qui poussait à s’interroger ouvertement sur le coté artistique, sur le sens de telles œuvres.
La différence avec ce que tu décris Kevin se situe peut être à ce niveau : ce n’est pas qu’un japonais n’éprouve rien devant une œuvre surréaliste en l’occurrence, c’est juste qu’il ne n’exprimera pas ici, mais plus tard, avec ses amis, dans un cadre plus privé.
j’aurais aimé en savoir plus
sur la teneur de l’expo?
Malheureusement, pas de photos autorisés à l’intérieur du musée.
Le contenu était historique, sur la création et l’évolution du surréalisme en tant que courant artistique et littéraire, ainsi que sur la définition du mouvement, toiles, objets, et textes à l’appuie.
Pour ne citer que les plus célèbres, on trouvait du Dali, du Magritte, Ernst, Yves Tanguy … Un aperçut de l’exposition sur ce site.
Ouais elle était mignonne la boîte !
Mais le mieux c’était le truc « désagréable à jeter » ^^